I. 0 - 1. Organisme génétiquement modifié dit O . G . M .
Dans la quiétude de votre nuit de boulanger, vous êtes vous déjà posé des questions sur la filière « farine ». Comment sélectionne-t-on les semences ?, qu’est ce qu’on sème ? Pour que « s’aiment » tous les acteurs de la filière, il est nécessaire de comprendre beaucoup de démarches et de limites techniques. Dans ce chapitre consacré aux semences, la problématique des Organismes Génétiquement Modifiés (O.G.M.) nécessitera un développement important, parce brûlant d’actualité . La volonté d’aborder les thèmes sur les semences, s’inscrit dans une démarche globale qui vise à penser le pain « du début à la fin », dans ses différentes composantes.

I - 2. O . G . M . et levure.
Les O.G.M. peuvent avoir d’autres incursions dans le métier que ce domaine précis. Ainsi une publicité de levure de panification, milieu des années 1990, fait mention de " l’amélioration continuelle des souches par l’application de manipulation génétique classique et nouvelle ". Il semblerait que ce soit surtout le cas pour les levures " freeze tolerant ", résistantes à la surgélation, que cet " exercice " aie lieu. On parle et écrit quelques fois sur des protéines anti-gel que développe des poissons des mers arctiques (découvert très tôt dans l’histoire scientifique) et dont on a découvert le gène codeur. Puis introduit en synthèse dans le matériel génétique de la levure. Cela est relaté dans les enquêtes et recherches scientifiques dès le début des années 1990 [1], mais jamais avoué clairement dans la démarche commerciale et légale.

I. 0 - 3. O . G . M . et matières premières.
Dans les matières premières, les matières végétales du soya ainsi que la lécithine peuvent provenir de soya génétiquement modifié en provenance des Etats-Unis d’Amérique et mélangé au soya conventionnel. Comme le maïzena qui lui peut avoir comme origine le maïs modifié génétiquement de Novartis (autorisé en France).

I - 4. O . G . M . et additif.
Les enzymes qui entrent de plus en plus dans les farines ( besoin de naturalité ! -sic-) sont produit par des microorganismes génétiquement modifiés (OGM) , c.a.d. ; qu'on introduit dans le microorganisme le gène qui produit l'enzyme en le multipliant trente ou cent cinquante fois [2]. Ce qui est devenu la règle en production d'enzymes vu le rendement indiscutable de ce procédé. Seulement, voilà, les enzymes n'entrent pas dans le cadre des directives CEE sur les additifs (du fait de leur statut d'auxiliaires technologiques, disparaissant après emploi), ils font l'objet d'autorisations réglées par des comités d'experts au sein de comité Supérieur de Sécurité & d'Hygiène, où les experts fabriquant et experts autorisant font partie de la même petite famille capable de juger.

C'est ainsi qu‘un adjuvant se disait autorisé dans le pain de tradition française [3], car composé uniquement d'enzymes (glucose-oxydase et pentosanase), donc d'auxiliaires technologiques et pas d'additifs. Mais n' y avait-il pas contournement de l'esprit de la loi, puisque ces auxiliaires (enzymes) étaient ajouté en des doses largement supérieures à leurs présences naturelles et qu'ils réalisaient le même effet oxydant que les additifs refusés, au dépend d'une oxydation naturelle par voie fermentaire lors de la panification.

L'acide ascorbique (E 300) ou vitamine C de synthèse s'obtient par transformation enzymatique et souvent aussi par des OGM, comme décrit plus haut pour les enzymes.
Maintenant, par la semence...



III. …BIODIVERSIFIONS !

III. 1. …graines de semences
L’amélioration de la sélection des semences de froment et autres céréales panifiables a probablement été effectuée par les premiers agriculteurs (ceux qui abandonnèrent la vie nomade) qui prélevaient des graines pour leurs prochaines récoltes en sélectionnant simplement les plus gros grains battus des plus beaux épis. Les spécialistes d’aujourd’hui écrivent « Le froment a longtemps été considéré comme une plante récalcitrante à la transformation ».

Ou encore « la difficulté de régénérer des plants de blé viables et la complexité de la génétique du blé ont freiné les efforts pour produire un blé transgénique » [4], et on pourrait ajouter le blé hybride.

En fait le froment [5] est autogame et tend à devenir homozygote ! Ce qui signifie dans un français plus abordable, que le froment s’auto-fécondent. Les étamines d'une fleur féconde presque toujours le pistil de la même fleur, puisque cela se passe à l’intérieur de la balle (l’enveloppe de la graine). Ca, c’est le caractère autogame. La tendance à devenir homozygote, c’est qu’en étant autogame, on reproduit le même caractère, (comme des vrais jumeaux) dans sa descendance [6].

De plus le froment est un monocotylédone, ce qui a été longtemps un obstacle pour la manipulation génétique [7]. Tout cela fait que le froment ne se croise pas et surtout ne se modifiait pas facilement. Une fécondation par des gènes venant d’autres variétés est considérée comme accidentelle et rare [8].

Mais c'est sur base de cette rareté ou accident que le froment que nous avons aujourd’hui existe. De l’état sauvage à l’état cultivé , des croisements d’espèces se sont opérés [9]. Par l’étude morphologique, cytogénétique et moléculaire du froment, on sait plus ou moins reconstituer l’évolution ou l’arbre généalogique du froment ou blé tendre (pour approfondissement, voir le chapitre consacré aux anciens blés).

III.2. L’intéressante qualité originelle
Une recherche récente de l’Université du Saskatchevan (CDN) a étudié l’origine et les caractéristiques des ancêtres du froment panifiable [10].
Les potentialités des variétés originelles peuvent étonner. Si une augmentation des fibres ne surprend pas, le pourcentage de protéines ( de 11,5 à presque 20% de protéines, mais pas forcément de qualité panifiables) [11] c’est bon pour la qualité nutritionnelle, grâce aux teneurs en acide aminés.

La teneur en acide gras, sels minéraux essentiels et en vitamines est également supérieur à nos froments actuels. Ensuite les éléments anti-nutritionnels (gliadine à haut poids moléculaires, acide phytique) naturels du froment sont à l’inverse en faible proportion et une non-affection (pour les intolérants au gluten) est avancée dans cette étude. [12]

Ce petit « flash-back » nous fait dire que tout se passe comme si l’amélioration dans la sélection des semences du froment avait régressé au niveau des valeurs nutritionnelles. C’est au point qu’un chapitre sera consacré aux ancêtres du blé tendre ( l’engrain et l’amidonnier) dans le choix des graines. [13]

La sélection s’opère depuis un siècle selon trois critères, le rendement, la résistance aux maladies et la qualité, cette dernière souvent exclusivement technologique.
Des trois critères, la priorité sera souvent donnée au rendement et comme la sélection s’opère toujours plus intensivement depuis 100 ans, les critères prioritaires s’accentueront dans le caractère que va donner la sélection.

III. 3. Géo-différence autour de Paris au XVIème siècle ?
Il manque un véritable discernement [14] pour savoir si l'écrit de la maison rustique du XVIème siècle est bien réel en terme de biodiversité.
Relisons-le toutefois (en extrait dans le texte, en intégral dans les notes) et prenons-le comme point de départ historique dans notre réflexion sur la diversité biologique appliquée à la boulangerie. [15]« En Beauce, le grain vient en grande quantité à cause de la terre glaise, grasse et non aride. La farine qui en résulte donne une pâte qui a beaucoup de liaison.

En Ile de France, on obtient moins de grains qu’ en Beauce, mais le pain est plus blanc et meilleur que celui de Beauce [16]. En Brie, le grain est moins bon que dans les deux précités et en blancheur et en quantité, par contre le grain est plus lourd [17]. En Picardie, le grain est encore moins bon que dans tous les précédentes régions précitées et en plus il est difficile à moudre [18].

En Champagne, la région est abondante en grains, mais donne moins de pain ». Cette traduction "libre" de l'ancien français, nous dévoile surtout une diversité variétale sur un rayon d'à peine 200 km. autour de Paris.

Disons aussi que, plus ou moins un siècle après, ni Malouin, ni Parmentier, qui auront pourtant une approche plus professionnelle, ne relèveront ces différences variétales aussi géo-dépendantes. Parmentier juge plus la valeur des blés suivant les saisons [19].

III.4. On « s’aime » dès l’hiver où on attend le printemps ?
Si vous voulez trouver de quel pays est originaire une langue parlée, il suffit de voir où se trouve le plus grand nombre de variantes de celle-ci. Ce sera le même principe pour les plantes, le berceau du blé c’est l’endroit où le trouve le plus grand nombre de variétés des anciens blés. C’est en Mésopotamie (actuellement Irak) que le chercheur russe Nicolas Vavilov a lors de nombreuses recherches défini le centre de cette aire de dispersion.

Dès le moment où la littérature spécifique au semence de blé s’écrit dans l’histoire, l’on remarque que suivant le climat, on va semé des blés de et dès l’hiver où des blés de et au printemps.

Pour comprendre par l’exemple, dans les bonnes terres noires d’Ukraine, le gel n’est absent que 130 à 160 jours l’an et fait chômer le travail sur la terre pendant 7 à 8 mois [20]. Au Canada, « les montants des portes ou autres constructions en bois qu’on démolit en automne, sont encore gelés à leur extrémité inférieure » [21].

Parmi les conditions qui handicapent la culture du blé qui passe l’hiver, il faut citer ; ces très basses températures, un été trop court, la couverture de neige trop mince avant la gelée, l’alternance du gel et du dégel au printemps qui parfois sépare la tige des racines et les vents secs de printemps [22].

De meilleurs rendements sont souvent procurés par les semailles d’hiver. Les blés semés au printemps ont eux, une meilleure disposition à la qualité panifiable. Après la sélection multiséculaire opérée de l’ancien blé au blé tendre ou froment actuel, on essaye surtout d’améliorer la résistance du ce blé ensemencé. Le premier souci est que la récolte arrive à bon terme.

III. 5. L’espoir se nourrit des graines d’Ukraine.
Pour obtenir cette amélioration, les semences les plus recherchées viennent non pas du Moyen-Orient, mais de Russie et surtout d’Ukraine [23]. Début du XXème siécle, le spécialiste russe de l’histoire du blé (M.Jakubziner) écrit que le blé ukrainien a joué très tôt un rôle important à titre de semence.

En particulier en raison de sa grande qualité boulangère, son adaptation, sa précocité et surtout sa résistance au froid [24]. Dès la fin du XIXème siècle, la banque de semences du bureau de botanique appliquée de Saint-Pétersbourg (R) fait aussi figure de légende dans l’histoire de l’amélioration du blé [25]. C’est en 1826, importées des riches terres noires d‘Ukraine via la Mer Noire et la Méditerranée, que l’on atteste le débarquement à Marseille de semences de blé (froment) [26].

Il sera appelé « blé d’Aquitaine » ou «blé de Noé » [27].
Il peut revendiquer la paternité des premières variétés françaises par croisement.
Notamment le « Rouge de Bordeaux », « Japhet », « Gros bleu », les « Vilmorin » et puis filialement, de la plupart des souches françaises actuelles [28].
Ce même blé « Noé » sera repris avec d’autres semences russes par les premiers sélectionneurs allemands afin d’améliorer par croisement leurs variétés locales [29].



III.6. Pour cultiver la grande prairie, il n’aura fallu qu’une graine.
Mais c’est surtout sur la terre « vierge » du Nouveau Monde (l’Amérique) que les semences ukrainiennes et russes vont confirmer leurs bonnes réputations.
Elles sont si connues et recherchées, qu’elles ne manqueront pas de « faire partie du bateau ». Nancy Green, racontant l’histoire des émigrants parle de familles allemandes de Russie [30] qui transportèrent à travers l’Atlantique des boisseaux de blé de Crimée résistant aux hivers les plus durs et transformèrent les Etats du Dakota et le Minnesota en l’une des terres de culture de blé les plus fertiles au Monde [31].

Vers le milieu du XIXème siècle (1842), une communauté religieuse russe doit; soit s’installer sous contrôle dans le Caucase, soit fuir son pays [32] (des règlements internes ayant conduit à des abus). Ces « douchoborzes » émigrent et emmènent avec eux des froments des « chernozens » (bonne terre noire et fertile) ukrainiennes [33].

Ils deviennent pionniers du « Nouveau-Monde » et s’installent dans la grande plaine au centre des Etats-Unis d’Amérique.
Dans cette contrée ce sera plutôt le blé d’hiver qui réussira le mieux. Au Canada, où se prolonge la grande prairie du nord des Etats-Unis, juste au même moment (1842), un émigré écossais, David Fife avait demandé à un ami resté dans son pays d’origine de lui envoyer des semences de l’Europe du Nord.

Il reçoit des semences de blé de Pologne [34] débarqué à Glasgow (SCO) et venant de Gdansk (= Danzig- POL). Comme D.Fife ne savait pas si la variété était un froment d’hiver ou de printemps et qu’il reçu ses semences au printemps, il les sema directement.
vMais le froment ne mûrit pas, sauf quelques épis, qu’il ressema l’année suivante. Alors, bien que les récoltes avoisinantes souffrirent toutes des conditions défavorables, ce blé lui, résista. D’où, le soin que l’on apporta à cette variété et l’éloge que les journaux agricoles en firent dès 1860 [35].

Ce grain de froment fut appellé « Red Fife » [36]. Celui-ci ensemencera assez vite tout le sud de l’Ontario (CDN) [37] et du Canada ensuite le Nord des Etats-Unis. Un des premiers grand sélectionneur anglais, P.Sherriff reprendra ce « Red Fife ou Halychanka» dans ces blés géniteurs [38] et plus tard, les sélectionneurs français également [39].

A Manhattan au Kansas (cœur géographique des U.S.A.), un collaborateur scientifique de la station officielle d’essais, dénommé Marc Carlton, se pencha avec intérêt sur le froment des « douchoborzes » [40].

Pris par le virus de l’amélioration, il décida de parcourir par deux fois la Russie à ses frais. [41] Il ramena des centaines d’échantillons, notamment les variétés « Ghirka -blé tendre de printemps-, Koubanka -blé dur-, Karkova -blé tendre d’hiver-».

Il étudia et sélectionna pendant des années leurs comportements et finalement c’est la culture du « Hard Red Winter – Blé Rouge [42] d’hiver Résistant-» qui triomphera un peu grâce à lui dans la grande plaine américaine [43] et deviendra le « Wheat Belt » (la région du blé).

Retour au Nord, dans la grande prairie canadienne, la sélection du « Red Fife ou Halychanka», conduira à la variété « Manitoba » et Charles Saunders (fils de William), éminent sélectionneur de la ferme expérimentale, créa en 1904 la fameuse variété « Marquis » [44], dans laquelle on retrouve toujours les gènes du bon vieux « Red Fife ou Halychanka».

La caractéristique de la variété « Marquis » est sa capacité à germer quelques jours plutôt que les autres variétés, aptitude très intéressante pour les courts étés et les gelées précoces que l’on rencontrent dans ces régions [45].

Par la suite, sera créée une autre variété capable de germer encore plutôt ; « Garnet ». C’est ainsi que la carte d’implantation du froment fera reculer les frontières de l’Arctique. Repartons en Russie maintenant (inclue dans l’U.R.S.S. en 1918), lorsque « l’affaire Lyssenko » et la soi-disant « biologie prolétarienne » sera confondue [46], cette sélection basée sur la faculté « d’épier » (l’épiaison est la période de la vie du froment où l’épi apparaît après la montée des feuilles) suivant la durée du jour sera choisie également.

De plus le procédé de la « vernalisation » [47] des blés de printemps préconisé et non inventé par Trofim Lyssenko s’appliquera aussi avec certain succès.
Comme les journées sont nettement plus longues en été plus on approche du cercle polaire (soleil de minuit), cela fera reculer aussi les frontières de l’Arctique dans les « Terres nouvelles » qui couvrent le Sud de la Sibérie occidentale et le Nord du Kazakhstan L’échange russo-américain a ici de quoi « déglacer » une guerre froide.

Ce sera pourtant bien plus tard que le commerce des grains jouera ce rôle, lorsque les multinationales vendront du grain des greniers américains aux soviétiques en 1963 [48].

III. 7. L’amélioration du rendement céréalier.
On l’a vu les critères de résistance puis de qualité technologie à fin d’exportation ont été prépondérant dans la sélection à ces débuts. On a moins de renseignements sur les rendements à l’ hectare, puisque l’on était déjà content de « sortir une récolte ».

On sait que les «anciens blés » en Europe rendait de 2 à 3 quintaux l’hectare (200 à 300 kgs. au 10.000 m©). Il vont passer à 10 qui./hect. par la sélection dite « massale » (c .a.d. : prélèvement et choix des plus beaux grains comme semences) [49].

Fin du XIXéme siècle apparaît la sélection dite « généalogique » [50] et les sélectionneurs dit au début « gentlemen-farmers ».

Cette méthode généalogiste consiste à suivre les descendances des croisements sur plusieurs années afin de fixer les caractères et ne garder que les plus productives et résistantes, un peu selon l’observation des Carlton et Saunders. Ce qui, en France, va conduire à l’obtention des premières variétés (voir III.10.) « Japhet –dit aussi blé Dieu- », 1892, « Gros bleu », 1897, « Bon fermier » 1920, « Vilmorin 18 » & « Vilmorin 27 », 1918 & 1927 [51].

Les froments de pays ou « population » vont ainsi petit à petit perdrent leurs places dans les emblavements. Ainsi, en Europe, les rendements passeront de 15 à 50 qui./hect. de 1930 à 1980 [52]. Nous sommes en route pour le rendement.

En Beauce (F), « le club des 100 quintaux » ( les céréalicuteurs qui atteignent ce rendement à l’hectare) se gonfle d’année en année de nouveaux membres.
Une pointe de 130 quint./hect. a même été enregistrée lors de la récolte 1998 dans l’Oise, juste au nord de Paris [53].

III. 8. Une sélection très « select » .
Une nouvelle variété pour pouvoir être commercialisée doit être bien fixée et supérieure aux variétés génitrices témoins [54].
Alors seulement l’inscription au catalogue officiel des espèces et variétés cultivées en France (dans notre exemple) est effective. Un cap parfois bien difficile à franchir pour les anciennes variétés. En effet, il est nécessaire que quelqu’un demande le maintien de l’inscription d’une variété au catalogue officiel pour continuer à être commercialisée.

Par définition, le principe de la sélection est inévitablement ségrégationniste. De plus au sein du comité technique permanent de la sélection (CTPS), aucun meunier n’avait le droit de consultation jusqu’il y a peu [55]. Ce ne sera acquit que depuis le début de ce XXIèmesiècle.

Un boulanger, un nutritionniste auront encore moins leurs mots à dire! Dommageable quand on connaît les possibilités discriminatoires de cet organisme. Résultat pendant des décennies, de plus en plus de froment « fourrager » seront choisi (blé tendre non panifiable), comme ils sont entre 10 à 15% supérieur en rendement par rapport aux variétés de froment panifiable [56] et ils seront même introduit dans les mélanges qui composent la farine commercialisée pour faire le pain [57].

Dans ce contexte, les produits « améliorants » de panification vont aisément venir s’implanter [58] dans l’élaboration de la pâte.
Ce sera un peu comme un médicament pour soigner cette évolution. C’est dans cette logique que la Communauté européenne ( devenue auto-suffisante en termes de production céréalière depuis les années 1960 [59]) va rendre moins intéressante l’importation de blés de force canadiens ou américains. La France qui exporte parfois près de 50% de sa récolte dans le Marché Commun et à des centrales d’achats d’Etat de l’Est de l’Europe voit ces dernières disparaîtrent au profit d’acheteurs privés, (meuniers par ex.) plus exigeants en termes de qualité.

« Il y a là un problème », « La qualité proposée –à l’export- actuellement est notoirement insuffisante pour certains acheteurs » dit le président de l’association des meuniers français (ANMF).

Continuant a parlé de ce problème d’inadéquation, il « met en garde contre la course au rendement au détriment de la qualité » [60]. La réaction ne peut se faire attendre.

Elle germait déjà, comme le prouve ce constat de B.Mahaut, “ au cours de ces 10 ans (1982/1992), l’évolution de la dureté a subi un bouleversement total”. “1988, constitue l’année charnière où les blés médium hard prenne le pas sur les médium soft” [61].

Autre évolution dans la sélection, la longueur des pailles, Dominique Soltner, donne une bonne idée de l’évolution de celles-ci par la sélection. Vilmorin mesurait 1,20 m. en 1927, Capelle 1 m., en 1960, Capitole 0,90m année 1970. et Courtot 0,68 m. année 1980 [62].

Ce raccourcissement des pailles n’est pas sans conséquence pour la vie du blé ou froment. En effet lors de sa maturation, les nutriments emmagasinés dans la tige migre vers l’épi à l’approche de la récolte.
Si la tige ou paille est plus petite cela n’est pas sans conséquence physiologique.

Avec ces commentaires récents nous ne parlons que de lignées variétales pures, pas d’hybride, pas d’Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Voyons quelle pourrait être l’apport de ces deux techniques pour le froment panifiable.

III . 9. Le difficile pari du froment hybride.
Le froment hybride est annoncé depuis longtemps, mais il n’apparaissait pas plus un jour que l’autre [63]. Pourquoi ? L’explication se trouve au début de ce chapitre III ; le blé est autogame (s’autoféconde) et a une grosse tendance a être homozygote (reproduit les mêmes gènes).

Donc pour produire des semences hybrides, il faut appliquer un agent chimique pour stériliser les étamines d’une variété A, plante femelle prête à être pollinisée par la variété B qui elle sera semée sous le vent. Procédé difficile et coûteux, puisqu’il faut « fermer beaucoup de portes », ce qui est très difficile en pleine nature. Peu à peu le froment hybride entre dans les céréalicultures [64].

Le principe de la construction de l’hybride et la constance du résultat est universelle. Il est inscrit dans les lois fondamentales de la biologie (lois de Mendel). C’est que l’on appelle l’effet d’hétérosis (d’hétérozygote) ou {F1- voir explication du sigle au sous-chapitre suivant}.

Ce qui est recherché ici, c’est que les deux variétés qui sont croisées voit souvent les effets défavorables récessifs masqués par les effets favorables dominants. Ce sera la base de la supériorité de l’hybride. En termes de productivité, 10 à 15% en plus.

Seulement voilà, l’homogénéité et la vigueur ne seront produit qu’une année : les caractéristiques ne se reconduisent pas dans la descendance [65]. Elles ne sont pas fixées par 12 années de sélection généalogique, comme nous le verrons au sous-chapitre suivant.
vIl faut donc racheté chaque année de nouvelles semences pour les mêmes performances [66], dépossédant ainsi l’agriculteur des facultés de reproduction et de multiplication du vivant, pour la conférer aux investisseurs.

C’est le début de l’appropriation par les multinationales d’atouts stratégiques, alors que ceux-ci étaient partagés par tous [67].
Et l’on passe de l’exercice d’amélioration génétique à un exercice plus détériorant, plus « stérilisant » [68].

Marc DEWALQUE février 2003

[1] Olivier NEYERNEUF, p.26 & la revue Filière Farine de décembre 1991.

[2] J.SOUPPE, p.287, on augmente les niveaux d'expression en codant l'enzyme et on la réplique dans les gènes du microorganismes de 10 3 à 10 15. L'enzyme est dite alors recombinante.

[3] Fabien FAISY & Olivier NEYERNEUF, p.4 & sv.

[4] P.JOUDRIER, p.13 et Joan.E. KURECKA, p.51.

[5] Pour une raison de clarté dans la lecture, au terme « blé » le terme « froment panifiable » sera préféré et souvent précisé. On se souvient de ce quipropo de l’après guerre 1940-45, où dans le cadre de programme d’aide alimentaire, les allemands demandèrent du blé « korn » en pensant « seigle » et ils reçurent le « korn » américain, c.a.d. du maïs a n’en savoir qu’en faire. Dans les écrits français, le blé tendre est le froment utilisé pour le pain, le blé dur est utilisé pour la fabrication de semoule et pâtes alimentaires. Certaines régions d’Europe (Suisse, Ardenne, Schwäbisch-Alb par ex.) appellent ou appelaient l’épeautre, le blé. Somme toute c’est le nom donné à la céréale la plus utilisée dans la ration alimentaire du pays. Le même cas de figure existe encore en Grande-Bretagne où les anglais nomment l’avoine, « oats », tandis que les écossais et irlandais l’appellent « korn ».
[6] Dominique SOLTNER, p.127.

[7] Joan E.KURECKA, p.51. Arnaud APOTEKER, p.36 précise que l’infection & ?#150;c.a .d. l’inoculation des gènes- par les agro-bactéries (voir plus loin) étant la première connue, elle ne convenait qu’aux plantes possédant deux cotylédons. Or le blé , le maïs et le riz sont des plantes monocotylédones n’acceptant pas pour ce type de transfert de gène.

[8] Stephan SYMKO, chapitre « Caractères botaniques », texte mis en ligne sur le site d’Agriculture et agroalimentaire Canada en 1999, l’auteur écrit qu’il peut subvenir jusqu’à 5% de pollinisation croisée en présence de pollen vagabond parvenant à s’incruster sous les balles ou glumes du froment.

[9] Voir le chapitre « les anciens blés ; l’engrain et l’amidonnier »

[10] 10 Elsayed M.ABDEL-AAL, Frank SOSULSKI & Pierre HUCL, p.708 à 715.

[11] E. ABDEL-AAL, p.711 et A.A.PARMENTIER, p. 207 et 208 qui parle de 4 à 5 onces pour une livre de farine (soit +/- 20%) de gluten également, mais il s’agit probablement de gluten humide (à diviser par 2,85 pour trouver le taux de gluten sec), soit +/- 7%.

[12] E. ABDEL-AAL, p.711 & 712

[13] Voir Chapitre VI, où l’origine et la naissance du blé tendre ou froment seront développés.
[14] Pline l’ancien (1er sc.) écrivait à ce sujet « les espèces de blé ne sont pas les mêmes partout et là où elles sont les mêmes, elles ne portent pas toujours le même nom », cité par Jean-Pierre DEVROEY, p.55 .

[15] Charles ESTIENNE & Jean LIEBAULT, p.533 "Le blé de Beauce fait un grain de plus grand nombre que celui des autres pay ?s, parce qu'il croit en terre glaise, grasse et non aride et a en soi une liaison qui se montre grande au pain, encore qu'il y aie moins de pâte. Celui de l'Ile de France, fait un grain plus court et moindre que celui de Beauce à cause qu'il croit en terroir ni trop gras, ni trop maigre, mais médiocre, ainsi le pain qui en est fait n’est ni si prodigieuse que celui du blé de Beauce, mais en récompense plus blanc et de meilleure manger que celui de Beauce. Le blé de la Brie fait un grain beaucoup moindre que celui de l’Ile de France et de la Beauce. Venant. de ce grain, un pain de moindre grandeur que celui de Beauce, de moindre blancheur et de manger, non pas si bon que celui du blé d'Ile de France d'autant que la Brie est en pays de griotte (je fais dériver ce mot de grioteûs; riche en gruau ou recoupe de blé, à moins qu'il faille traduire par pays aigre c.à.d. difficile à cultiver). Toutefois, il se trouvera que le vrai grain de Brie surpasse les deux autres en pesanteur et qu'ainsi le grain est court et "groullleux" (je prend ce mot dans le sens de grouillant dans la main par sa forme et densité) plus que les autres, ce qui fait "poiser" (d'empois ou pesant) le grain. Le blé de Picardie est encore moindre que les trois pays décrits ci-avant. Venant de ce grain, un pain moindre en bonté, grandeur, blancheur et profit, parce que ce grain est plus dur, robuste, revêche et pas si facile moudre que les autres, duquel la fleur (farine blanche ou tamisée) ne peut être bonnement tirée, qui fait que l'on appelle communément le blé picard plus "coeneux" (je prend ce mot dans le sens de plus d'enveloppe ou de son), d'autant qu'étant moulu, le son de celui-ci détient en soi quelque farine. La Champagne, bien qu'elle soit abondante en grains et soit de belle apparence, est inférieure a ?ux autres nations, d'autant. que son grain rend moins de pain que les autres. Du fait de sa nature il est « corgeal » (? probablement dur) et tortillant entre les meules, plus long à moudre que les autres, aussi il est long, ténu et fendu par le milieu, qui lui fait autant de place vide en lui. »

[16] Les meilleurs pains des forains (boulangers vendant dans les foires ou marché) dans la ville de Paris ont même porté le nom de villes originaires d’Ile de France. Le pain Chailly ou Chaillé (de Chilly-Mazarin) au XIVème sc. et le pain de Gonesse du XVème au XVII ème sc. Voir : Adrien-Henry THERY, p.104 à 118.
[17] Cette note n’a d’intérêt qu’en fonction de la manière de l’époque de mesurer le grain au setier, donc au volume. Le pain lui étant vendu au poids.

[18] Peut-être s’agit-il encore d’une variété de céréale vêtue (engrain, amidonnier ou épeautre) dont la caractéristique est que la glume ou balle est difficile de séparer du son à la mouture, et nécessite parfois un grillage pour un décorticage avant mouture. Le décorticage en mouture sur meules, est un passage entre des meules striées et espacées spécialement. Autre difficulté de mouture sur meules dont peut faire part le texte historique; les blés de printemps ont parfois une dureté telle que la séparation du son et de la farine de l’amande ne se réalise pas bien.

[19] Voir : A.A.PARMENTIER, p.116, où il parle du blé de Barbarie (Afrique du Nord touchant la Méditerranée, hormis l’Egypte), sans donner vraiment une appréciation ? claire et du blé de Pologne, qui est le blé le plus recherché des blés venant du Nord (voir notes suivantes).

[20] Sigrid GROSSKOPF, p.65, signale ce fait en le comparant à la situation de l’Europe de l’Ouest, où le paysan ne s’arrête que 2 à 3 mois.

[21] C’est H.E.JACOB, p. 343, qui cite ces paroles de Sir William CROOKES datant de 1897.
[22] Stephan SYMKO, au chapitre Le blé cultivé aux premières heures.

[23] Dans leurs pays d’origine, proche du croissant fertile, l’Afghanistan notamment, la culture des céréales restera statique. Ce qui ne sera pas le cas des cultivateurs ukrainiens qui sur une bonne terre feront progresser la sélection de leurs semences. L’Ukraine porte d’ailleurs dans son drapeau, les couleurs mises à l’horizontales du jaune qui représente les épis et le bleu qui représente le ciel.

[24] Stephan SYMKO, chapitre « Termes slaves dans la monenclature du blé », cite d’après M.JAKUBZINER des traces de ce type de commerce en Ukraine dès le 4ème siècle avant J.-C.

[25] Anatoly F. MEZERHKO, p. 269 & 270

[26] Stephan SYMKO, chapitre « L’histoire du blé ukrainien » le mentionne en temps que « premières exportations de blé d’Ukraine documentées », envoyé d’Odessa.

[27] Alain BONJEAN & Renaud LEBLOND, p.30 à 32. C’est le marquis de Noé, grand propriétaire terrain et meunier dans le Sud-Ouest de la France qui diffusera cette variété vers les cultures du bassin parisien (Beauce et Brie).
[28] Bien sur, il s’agit d’un ascendant, exactement comme nous avons deux parents, quatre grands-parents, huit arrières grands-parents et ainsi de suite. Précisons, comme nous le verrons au sous-chapitre 8, qu’une nouvelle variété peut avoir plus que deux géniteurs. Autre précision ; si l’on cite les semences ukrainiennes comme variétés importantes pour la descendance, c’est qu’elles furent souvent choisies comme génitrices.

[29] Wolfgang PORSCHE & Michael TAYLOR, p.179.

[30] Stephan SYMKO, au chapitre « Expansion de l’industrie meunière », cite la tradition orale attribuant aux douchoborzes l’importation de meules restée en facade d’entrée de moulin de Winnipeg (CDN). Cet auteur, sélectionneur au Canada et ukrainien de souche, pense que d’autres pourraient revendiquer cet apport, notamment des molokans (autre secte provenant d’Ukraine) ou des mennonites ukrainiens aussi. Cet auteur précise qu’à cette époque, (milieu du XIXème siècle) l’Ukraine orientale faisait partie de la Russie et l’Ukraine occidentale était elle intégrée à l’Autriche. De ce fait les émigrants ukrainiens étaient inscrit comme russe ou autrichiens par l’autorité d’immigration.

[31] Nancy GREEN, p.74.

[32] Pierre LAROUSSE, au mot « douchoborzes ».

[33] Ernest VOGT et Fritz CALMBACH, p.51 à 53.

[34] Stephan SYMKO, au chapitre « Histoire du blé ukrainien », signale que lorsque l’Ukraine était occupée par la Pologne, le blé importé était inscrit sous le nom de ce pays. D’où le blé de Pologne déj&agrav ?e; renseigné ( p.116 ) par A.A.PARMENTIER fin XVIIIème siècle. Un piège pour les personnes qui veulent identifier clairement est la classification scientifique qui définit dans les variétés de blé dur (durum wheat en anglais et Triticum turgidum durum en latin), le triticum polonicum dit aussi triticum poolish qui n’a que 2 paires de 7 chromosomes tandis que le froment actuel à 3 paires de 7 chromosomes.
[35] Plusieurs histoires seront après colportée par la tradition orale. Dont une qui revient presque de manière légendaire et qui attribue à l’épouse du fermier, le mérite d’avoir sauvé le seul bouquet de blé qui réussit à germer. Trouvant et chassant la vache de la ferme qui broutait celui-ci, elle sauva une partie de ce blé pour permettre les ensemencements futurs. Cette histoire sera reproduite sur d’autres graines et notamment le « Kamut », redécouvert dernièrement.

[36] Le pharmacien devenu sélectionneur, William SAUNDERS retrouvera l’identité du « Red Fife » en recevant en 1905, soit 63 ans plus tard, des semences de blé (froment) d’un marchand de graines d’Allemagne. Cet échantillon provenait d’ « Halychina » quelque part en « Allemagne de l’Est ou en Russie occidentale ». Il était si ressemblant au « Red Fife » que W.SAUNDERS les compara en culture et panification, mettant en évidence leurs similitudes, voir ; Stephan SYMKO, chapitre « La redécouverte du blé Halychanka (Red Fife) ». L’appellation Halychanka veut dire « d’Halychyna », ?c’est à dire « de Galicie », région située actuellement en Ukraine occidentale et en partie en Pologne (Lvov en UKR et Krakow -Cracovie- en PL). Les autrichiens l’appelle « Galizische Kolben », les polonais « Galicyjska ». Le « Red Fife » s’apellera aussi en Amérique ; « Fife », « Scotch Fife », « Canadian Fife », « Saskatchewan Fife » et d’autres noms encore. A cette époque, c’est la ferme, le port ou le pays de départ présumé qui fait la dénomination de la variété et cela avec beaucoup de variantes régionales, avant au chapitre, « Origine du Red Fife » S.SYMKO attribue aux Mennonites les premiers succès céréaliers sur le sol canadien en 1875, grâce à une variété de blé de printemps prises dans leurs bagages appelée « White Russian » qui sera supplantée plus tard par « Red Fife »..
[37] Janice Murray GILL, p. 16 &19. C’est la qualité boulangère qui procurera la valeur commerciale de « Red Fife ou Halychanka », qualité qui lui permettra d’exporter les excédents de culture réalisés dans les grands espaces du « Nouveau Monde ».

[38] William ANGUS, p.113. Les variétés « Red Fife », ainsi que « Marquis » et « Garnet » qui suivront sont aussi dans les géniteurs des blés français, voir D.SOLTNER, p.112.

[39] Voir D.SOLTNER, p.112.

[40] Maggie GLEZER, p.45, signale une variété dénommée Turkey ( froment rouge d’hiver) apportée au Kansas en 1874, par la communauté religieuse des Mennonites. Elle serait une des variétés primitives des froments d’hiver du « Nouveau continent ». La variété Minturkey dérivera de cette première variété. Stephan SYMKO pense que « Turkey » est d’origine ukrainienne

[41] Ernest VOGT et Fritz CALMBACH, p.52, CARLTON se ruina à ces tâches et mourut en 1925 loin des grandes plaines, au Pérou. Dans l’abandon, la malaria l’avait atteint dans ce pays où il enseignait pour payer ses dettes en communiquant ses connaissances sur les semences.
[42] Les froments panifiables américains portent toujours aujourd’hui le qualificatif « Red » (rouge). Comme une identité ou label, la pigmentation « rouge » sera presque un passage obligé pour les sélectionneurs. C’est au point que déjà en 1904, les chercheurs canadiens refusèrent de commercialiser des blés de force « blanc », pour garder le label « Red », voir Stephan SYMKO, chapitre « Développement des variétés de blé au Canada ». Les pigmentations des blés (tendres et durs) peuvent être rouge « red », appelés « amber –ambré-» pour le blé dur américain, blanc « white » ou beaucoup plus rarement, mauve dit aussi pourpre « purple ». Un grand groupe meunier néerlandais (Meneba) a eu l’idée dans ? les années 1990 de lancer en terme diversification de l’offre du blé pourpre cultivé en Australie et intégré dans un « mélange – mixe » appelé à faire du pain « koala ». Il serait issu d’anciennes variétés locales.

[43] Aujourd’hui, ces froments bénéficient d’une classification très stricte ou le nom « Hard » n’est pas à traduire par « dur » (pour ne pas le confondre avec le blé dur dit « durum wheat ») mais indique une résistance à la mouture corollaire à une haute teneur en gluten. La friabilité à la mouture et faible teneur en gluten se mentionne comme « Soft ». Signalons aussi que les rendements du « Hard Red Winter » froment d’hiver sont actuellement de 25 quintaux/hect, pour une variété de blés de force en culture extensive vu les grands espaces. Et que, plus au nord des Etats-Unis, jouxtant la grande prairie canadienne, le « Hard Red Spring », pour le froment de printemps, le rendement est de 20 qu./hect. Voir : Jean-Paul CHARVET 1990, p.15 à 18.

[44] Stephan SYMKO, au chapitre « La découverte du blé Marquis », donne les ascendants de cette variété. Il s’agirait d’un croisement entre « Red Fife » et « Hard Red Calcutta », une variété de froment d’Inde qui a la spécificité d’être précoce (mûrir plus tôt). En 1918, 80% des emblavements de blé canadiens était ensemencés de la variété « Marquis », voir même auteur au chapitre « Valeurs de la récolte ? de Marquis au Canada et aux Etats-Unis ».
[45] Stephan SYMKO, au chapitre « L’histoire du blé Ladoga », mentionne les multiples tentatives, presque obsessionnelles de W.SAUNDERS pour apporter par croisement une qualité de mûrissement plus hâtives à « Red Fife », victime parfois des gelées précoces. Les variétés « Onega » et surtout « Ladoga » importée de Riga en Lettonie était dite « Skorospilka = hâtive » ou « Poltavka = de Poltava en UKR », elle fut effectivement plus précoce, mais sa qualité marchande est jugée sans complaisance comme désappointante, ne pouvant servir à des fins d’exportations.

[46] Denis BUICAN, chercheur roumain exilé en France, accuse T.LYSSENKO d’avoir radicalisé le débat scientifique en termes d’option politique pour discréditer N.VAVILOV. Au point de faire rejeter celui-ci comme ennemi de la cause du peuple en Sibérie où il mourra en captivité en janvier 1943. C’est le physicien Andreï SAHKAROV (le père de la bombe H soviétique) qui déstabilisera l’autorité pseudo-scientifique de T.LYSSENKO, en 1964. Anatoly F. MEZERHKO, p.273 & 274, définit comme « conséquence tragique » les 30 années de domination (1935-1964) de T.LYSSENKO à la tête de la société scientifique d’agriculture (VASKHNIL), celui-ci déniait le rôle des chromosomes dans l’hérédité. Cette attitude négative fit que plusieurs générations d’étudiants n’ont pas eu a ?ccès à la connaissance de la génétique moderne .

[47] Denis BUICAN, p. 37 et 25. La vernalisation est le traitement par le froid (30 jours à 0° à 3°) sur des graines en début de germination. Ce qui permet à des blés d’hiver de germer en étant semé au printemps, voir aussi, D.SOLTNER, p.112.

[48] Dan MORGAN, p. 86.

[49] Revue « R.G.D. = Ressources Génétiques & Développement », p.3. Jean-Jacques VAN MOL, p.63, écrit que vers 1.200, 1 grain semé en rapportait 3 à 4, et vers 1.800, le rapport passe de 1 grain semé pour 10 récoltés. Sur cette même règle, mais plus linguistique et folklorique, le grain de seigle appelé « centeno » en espagnol, produirait 100 grains et le grain de millet 1.000 grains hors d’un grain semé.

[50] C’est Louis de VILMORIN ( 1816-1860), issu d’une famille vivant dans le commerce des graines depuis le XVIIIème siècle, qui s’inspirant des méthodes anglaises, définit en 1856, la méthode généalogiste, à l’Académie d’Agriculture de France. Les variétés qui porteront le nom de Vilmorin plus l’année d’obtention seront issues de croisement entre le « blé d’Aquitaine » et d’autres variétés européennes. Voir la publication des deux membres du groupe Limagrain qui a incorporé en son sein la société Vilmorin, Alain BONJEAN & Renaud LEBLOND, p.30 à 32.
[51] D.SOLTNER, p.133

[52] D.SOLTNER, p.128 Celui-ci écrit même page que dans l’augmentation du rendement, on esti ?me qu’1/3 est du au progrès génétique et les 2/3 restants aux techniques culturales.

[53] Cécile CHEVREUX, Récolte 98, dans la revue « Filière Gourmande » n°55 d’octobre 1998, p.23. Le rendement moyen français était cette année là de 77,5 quint./hect et la moyenne de productivité du blé tendre augmentait environ 1,28 quint./hect. l’an.

[54] Le type de croisement est de trois ordres , soit simple ;variété A X variété.B, soit double ; (var.A X var.B) X (var.C X var.D), soit à trois voies (var.A X var.B) X var.C . Voir « La sélection ; sa technique et ses objectifs » interview d’Adrien DEKEYSER, p.24.

[55] Voir : Jean-Pierre COFFE, p.63 confirmé par Michel DELOINGCE, p.2, qui mentionne que « Dans le but d’obtenir une inversion de cette tendance qualitative –voir note suivante-la commission a souhaité que la meunerie s’implique dans le processus d’inscription des variétés.

[56] Dans les races de poules, il existe les poules pondeuses (minces et légères) et les poules ou poulets de chair ( ne pondant pas beaucoup). Un peu comme dit le proverbe « On ne peut pas avoir la poule et l’œuf », il est difficile d’obtenir dans une race les deux propriétés de manière pointue. Pour les semences ce sera pareille, il est difficile d’avoir à la fois une bonne qualité technologique et nutritionnelle et une bonne qualité agronomique (rendement). C’est la nature qui s’exprime comme cela. Voyez aussi D.SOLTNER, p.131 qui reprend des propos ressassé assez régulièrement dans le milieu agricole « La qualité ne paie pas, disent de nombreux céréaliers, qui ?constate que la marge laissée par un blé de médiocre qualité boulangère, mais de fort rendement est plus intéressante. » et Michel DELOINGCE, p.2, qui signale que les Variétés Recommandée par la Meunerie -VRM- sont tombées de 59,20% des emblavements à 26,03% de 1986 à 1989. Elles remontent régulièrement depuis, en 1998 elles atteignaient les 30,20%, ce qui est suffisant pour les besoins de la meunerie française. Le restant étant composé de +/- 20% pour l’aliment du bétail et 50% pour l’exportation.
[57] D.SOLTNER, p.131. Ce qui donne des difficultés à la panification ; pâte collante et mauvaise levée.

[58] « Les boulangers anglais et européens pris entre la hausse de leurs coûts et le contrôle du prix du pain, se tournèrent vers des procédés de panification nécessitant moins de blé riche en protéines », Dan MORGAN, p.103

[59] Jean-Paul CHARVET 1988, p.165.

[60] Paule BONJEAN, p.3.

[61] B.MAHAUT, p.43. Voir aussi le chapitre Gluten. Médium Hard signifie blé résistant et contenant de manière un peu supérieure à la moyenne une résistance à la mouture corollaire à une teneur en protéines légèrement supérieure à la moyenne. Ceci en regard du classement américain du blé marchand qui s’impose petit à petit.

[62] D.SOLTNER, p.119.

[63] D.MORGAN, p.181 écrivait en 1979 « le blé hybride existe déjà, mais ces rendements ne sont pas encore nettement supérieurs à ceux des blés conventionnels &ra ?quo;. D.SOLTNER, p.139. annonçait le froment hybride comme éminent dans le commerce en 1985-1986, mais écrivait qu’il faut encore prouver que le surcoût (2,5 à 3 fois le prix des semences normales) sera compensé par le rendement et la diminution d’intrants.

[64] G.BRANLARD et A.GERVAIS, p.7. Il représentait à peu près 1/10 de la récolte française de froment panifiable (blé tendre) en 1998. Un rendement moyen de 100 quint./hect avec une valeur protéique du grain entre 11 & 12%. Dans la rubrique actualités de la revue « Industries des céréales » de 6-7/2000, on signale que pour la première fois, une variété hybride (Hyno Valea de Hybrinova , filiale de DuPont ) accède à la liste des V.R.M. (Variété Recommandée par la Meunerie). J.P.BERLAN, 1998, p.23 écrit que des sommes faramineuses sont dépensées pour cette technique « pour un gain net d’à peine quelques quintaux ».

[65] D.SOLTNER, p.139.
[66] Jean-Marc BECHE et Pierre-Benoit JOLY, p. 3 & 4. La semence n’était pas différente du grain. L’hybridation du maïs (qui n’est pas autogame, et donc plus facilement hybridable) va donner une valeur ajoutée à la semence qui autrement ne vaut que le double du grain. En 1983 un lot de semence normal de maïs vaut 120 FRF, un même lot de semence de maïs hybride vaut 2.000 FRF . La valeur ajoutée par l’hybridation est estimée à 70% dans ces temps là. Henk HOBBELINK, p.68 écrit que fin des années 1980 aux « States », l’utilisation de la semence « fermière ? ou domestique » pour le froment est de 65% alors que pour le maïs elle n’est que de 5%. Le succès naissant de l’hybridation du maïs parle bien dans ces chiffres. Cette rentabilité chiffrée est contesté par Jean-Loup MOTCHANE, p.24, qui en transformant la valeur des semences en valeur de quintaux récoltés et tenant compte des périodes de renouvellement des semences arrive par étude comparative à une plus faible rentabilité des froments hybrides. Pas pour le semencier qui lui multiplie son chiffre d’affaires par 10.

[67] Dorothée Benoit BROWAEYS & Pierre-Henri GOUYON, p.26.

[68] Jean-Pierre BERLAN & Richard C.LEWONTIN, p.22 &23. Ces chercheurs affirment que le choix entre la variété libre ou hybride est politique et non scientifique.