L'alimentation des hommes au cours des premiers siècles de l'ère qui précéda la nôtre était, en gros, composée des produits de la chasse et des fruits de la terre, tels qu'ils se présentaient à eux. Au nombre de ces derniers, au fur et à mesure que l'homme, de chasseur, devint pasteur puis laboureur, la place des céréales augmenta progressivement.

Primitivement elles furent consommées crues, puis grillées, plus tard cuites. Parmi ces céréales, les principales étaient l'orge et le blé. Ce dernier était surtout connu, en Occident, sous le nom de froment, le terme de blé pouvant désigner tous les grains en général.

C'est en Orient que l'on commença à écraser le blé qui y était connu depuis la plus haute Antiquité. Le blé et l'orge étaient réduits en poudre fine, ]e produit obtenu, grossièrement bluté et cette farine était employée, à l'usage d'une consommation familiale, pour confectionner des bouillies et, plus tard, des galettes.



C'est l'ecriture qui nous fait découvrir la présence de la farine et du pain dans l'alimentation des peuples du Proche-Orient. Dans la Genèse, très souvent, il est question de pain. Dès les débuts, lorsque l'Eternel chassera Adam du jardin d'Eden, il lui dira: « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre d'où tu as été pris. » Vers le IIe millénaire avant J.-C., après la victoire d'Abram (qui va devenir Abraham) sur le roi de Sodome Kerdorlaomer et ses alliés, Melchisedek, roi de Salem, fera apporter du pain et du vin pour célébrer cet exploit.

Quelque temps après, lorsque l'Eternel enverra trois anges en émissaires auprès d'Abraham pour lui annoncer la naissance d'un fils, celui-ci leur dira: " ... Reposez-vous sous cet arbre, j'irai prendre un morceau de pain pour fortifier votre cœur..." et, entrant promptement sous sa tente, il ordonnera à sa femme Sara: " Vite, trois mesures de fleur de farine, pétris et fais des gâteaux.

" Vers la même époque, quand l'Eternel décidera de détruire Sodome et Gomorrhe, deux anges seront envoyés à Lot, neveu d'Abraham, pour le sauver de cette destruction. Et la Genèse nous apprend que Lot en les recevant, " ... Ieur donna un festin et fit cuire des pains sans levain...".

Retenons ici, deux millénaires avant J.-C., que l'Ecriture, pour la première fois, nous laisse supposer et la présence de plusieurs qualités de farine et l'existence de pain au levain.
Quelques siècles plus tard, environ 1700 ans avant notre ère, toujours dans la Genèse, nous apprenons que Joseph, arrière-petit-fils d'Abraham, esclave en Egypte puis intendant de Pharaon, sauvera, par sa prévoyance, en stockant les excédents de céréales des années abondantes, grâce au blé et au pain, le peuple de la famine durant les années de disette: "...
I1 y eut famine dans tous les pays; mais dans tout le pays d'Egypte il y avait du pain.



A l'époque de Moise, dans l'Exode, 1400 ans environ avant J.-C. le pain et le levain sont à nouveau et très souvent cités. A l'occasion de l'institution de la Pâque, I'Eternel ordonne à Moise: " Vous conserverez le souvenir de ce jour par une fête en l'honneur de l' Eternel... Pendant sept jours vous mangerez des pains sans levain. Dès le premier jour il n'y aura plus de levain dans vos maisons, car toute personne qui mangera du pain levé, du premier au septième jour, sera retranchée d'Israël. "

Enfin, dans les lois édictées par Moise, on notera que le nazaréen, Hébreu ayant choisi de se consacrer à Dieu, "... présentera son offrande à l'Eternel... une corbeille de pains sans levain, des gâteaux de fleur de farine pétris à l'huile et des galettes sans levain arrosées d'huile...".
Le narrateur distingue, ici, entre le pain obtenu avec et sans levain, entre le pain et les galettes et parle de fleur de farine. On peut en déduire que la fabrication du pain à l'aide de levain tend, alors, à se généraliser dans le Proche-Orient, que, d'autre part, on confectionne des pâtes enrichies pour fabriquer les galettes et améliorer la finesse et la saveur du produit obtenu et qu'enfin, on recueille, par tamisage, au moins deux types de farine.

On peut noter aussi que, dès cette époque, chaque fois que le pain symbolise l'aliment rituel, il est confectionné sans levain: le pain levé (zymi) dans lequel il entre du levain, plus léger, meilleur et, sans doute, beaucoup plus apprécié du peuple, est considéré comme impur; au contraire, c'est le pain sans levain (azymi) qui symbolise la pureté et qui est utilisé dans toutes les consécrations à l'adresse de l'Eternel.



Ainsi la lecture de la Bible tendrait à établir que ce sont les Hébreux qui ont été les artisans de la découverte ou de la vulgarisation de la pâte fermentée avec du levain. Sans doute qu'une pâte composée de farine et d'eau, oubliée par mégarde dans un milieu chaud et humide, s'est trouvée naturellement ensemencée de ferments: la fermentation alcoolique accomplissant son œuvre, la pâte aura alors augmenté de volume et l'idée de la mélanger à une pâte inerte pour obtenir un pain plus léger et meilleur sera venue à une ménagère. C'est ainsi que parait s'expliquer l'apparition de la fabrication du pain au levain qui devait être pratiquée ensuite durant des siècles et jusqu'à ces dernières décennies.

Toutefois, les pains de cette époque n'avaient, généralement, rien de comparable à ceux que nous connaissons, ils étaient plats, sous forme de galette et, lorsqu'ils étaient confectionnés sans levain, ce qui était fréquent, ils ressemblaient plutôt à une crêpe épaisse. La cuisson avait lieu dans l'âtre, sous la cendre, sur un gril ou, encore, sur une pierre préalablement chauffée et placée sous une sorte de cloche dont le chauffage pouvait être poursuivi à l'extérieur, durant la cuisson.



Les Egyptiens possédaient, cependant, comme en témoignent des peintures relevées sur les tombeaux des rois qui régnèrent 2 500 ans à 2 000 ans avant notre ère, une technique éprouvée de la fabrication du pain. Elle comprenait successivement:
-Le broyage du blé obtenu entre deux pierres, I'une concave et fixe, I'autre convexe et mobile, actionnée à la main, entre lesquelles le grain était réduit en farine; farine qui était, en cours d'opération et par tamisage, débarrassée des sons.
-La confection d'une pâte peu consistante pétrie, ou
plutôt malaxée, dans de grandes jarres en terre.
-La cuisson, obtenue dans des moules de terre qui, empilés sous forme de pyramide et dans la position renversée, avaient été préalablement chauffés. Le moule rempli de pâte était
debout et recouvert d'un deuxième, identique, dans la position inverse. Lorsque les pains étaient cuits, ils étaient démoulés et mis à refroidir.



Vers la même époque, les Assyriens confectionnaient des galettes de pâte obtenues avec de l'orge et du blé écrasés et les cuisaient dans de grands vases de terre préalablement chauffés et à moitié enfouis dans le sol, afin d'éviter les pertes de chaleur.
La fabrication du pain, de proche en proche, souvent à la faveur des guerres et des déplacements ou des migrations de population qu'elles provoquaient, se répandit dans tout le Proche-Orient et gagna l'Occident.