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Histoire et Légende des Origines des Pâtisseries

Posté : lundi 03 janv. 2011, 18:07
par Jacky78
Voici quelque informations sur les origines de certaines pâtisseries ; bonne lecture :pn2

Histoire des Sablés

Contrairement à ce qu'on pourrait penser avec une recette aussi basique que celle la pâte sablée dont sont tirés les petits sablés, son origine ne remonte pas à la nuit des temps...
Les habitants de Sablé-sur-Sarthe (la ville dont François Fillon fut maire) prétendent en être les inventeurs. En 1670, la marquise de Sablé - cette illustre famille a en effet donné son nom à la ville - en aurait offert à Monsieur, frère de Louis XIV et mari de ma chère Princesse palatine, qui les aurait beaucoup aimés... Si un de mes lecteurs a quelques documents sérieux à porter à ma connaissance, je suis preneur...
Les historiens, eux, penchent plutôt pour une invention normande, au XIXe siècle, du côté de Lisieux. Allez savoir...
En tout cas, en 1923 ou 1924 selon les sources, un pâtissier sabolien (ainsi appelle-t-on les habitants de Sablé-sur-Sarthe) du nom de Etienne aurait mis au point cette petite galette à laquelle il donna le nom de sablé, sans doute pour profiter de l'homonymie. Aujourd'hui encore, les sablés de Sablé sont toujours les plus recherchés.
On en trouve pourtant dans de nombreuses régions ainsi qu'à l'étranger : shortbread écossais ou knusper autrichien par exemple...

Histoire du Cannelé
Le cannelé est une spécialité bordelaise et, de fait, ils sont à base de farine (on en débarquait beaucoup sur les quais de Bordeaux) ainsi que de vanille et de rhum (ce qui signe en général une origine portuaire). Certains font remonter leur invention aux canelons des soeurs des Annonciades (actuel couvent de la Miséricorde) au XVIe siècle, ce qui est mis en doute par ceux qui rappellent que ces gâteaux étaient alors roulés autour d'une tige de canne à sucre et frits : mais ce ne serait pas la première fois qu'on assisterait à une évolution aussi radicale d'une recette( voir par exemple mes billets sur l'histoire du blanc-manger).
Plus certainement, on peut attester de la présence au XVIIe siècle descanauliers bordelais, des artisans spécialisés dans le pain-bénit, les échaudés (pâtisseries cuites dans l'eau bouillante) et les canaules : des pains aux jaunes d'oeufs. A l'issue d'une véritable guerre de cent ans avec les pâtissiers (qui avaient seuls le droit d'utiliser le lait et le sucre pour transformer par exemple le pain en brioche), les canauliers mettent sans doute au point la recette originale du cannelé.
J'écris sans doute car en fait, les canauliers ayant disparu avec la Révolution (comme beaucoup d'autres corporations et guildes qui fleuraient bon l'Ancien Régime), le cannelé en a fait de même. Il réapparaît dans les années 1920, timidement d'abord puis dans toutes les pâtisseries de la région. Je n'ai pas réussi à trouver le nom de son inventeur moderne, mes amis bordelais se disputent beaucoup à ce sujet.
Attention : même si on trouve les deux orthographes (cannelé etcanelé), en réalité, même s'il provient du mot gascon canelat(cannelure), il faut écrire cannelé... pour éviter de se mettre à dos laConfrérie du Canelé de Bordeaux qui a déposé ce mot avec un seul nen tant que marque en 1985 afin d'en acquérir l'exclusivité pour ses membres !

Le Financier
Les soeurs visitandines fabriquaient depuis le Moyen Âge des petits gâteaux ovales et moelleux au délicieux goût d'amande mais comme la plupart des pâtisseries aux amandes, elles connurent une éclipse après la Renaissance (l'arsenic sentant l'amande amère, et Catherine de Médicis et ses suivantes ayant une fâcheuse propension à offrir des cadeaux empoisonnés, on se méfia pendant des siècles de tout ce qui était à base d'amande).
Vers 1890, le pâtissier Lasne remit les visitandines au goût du jour. Comme son magasin était tout prêt de la Bourse, sa clientèle se composait en grande partie de financiers désireux d'avaler sur le pouce (quand ils étaient autour de la fameuse corbeille) un petit gâteau qui ne salisse pas les doigts. Lasne eut aussi l'idée (trèsmarketing avant l'heure) de changer la forme ovale de la pâtisserie originelle pour évoquer celle d'un... lingot d'or. Le financier était né !

Le Mille feuille
Contrairement à une légende venue de la perfide Albion, le Mille-feuille n'était pas le gâteau préféré de Napoléon Bonaparte (napoleonétant par ailleurs le nom de cette pâtisserie en anglais) qui en aurait attrapé une indigestion à la veille de Waterloo. A cette époque il n'existait pas encore !
--> Maguelonne Toussaint-Salmat, l'auteur de la Très belle et très exquise histoire des gâteaux mentionne néanmoins une recette publiée dès 1806 et signée d'un certain Rouget dont on ne sait rien par ailleurs.
C'est en fait la pâtisserie Seugnot, rue du bac à Paris, qui proposa les premiers mille-feuilles en 1867. Son nom dérive bien évidemment du gonflement des couches de pâte feuilletée (voir mon post précédent sur l'histoire de cette pâte) qui forment comme des feuilles délicieuses. De Dubose, le chef pâtissier de Seugnot, on disait d'ailleurs qu'il était le roi du mille-feuille !
Traditionnellement, le mille-feuille est fourré d'une crème pâtissière à la vanille et aromatisée au rhum, aujourd'hui remplacée par unecrème à mille-feuille justement (une crème pâtissière rendue plus aérienne par l'adjonction d'un tiers de son poids en crème fouettée), dont les côtés sont décorés d'amandes effilées ou de brisures de crêpes dentelle, et dont le dessus est soit glacée au fondant soit recouvert de sucre glace.
Au même titre que la crème brûlée ou l'éclair, la mille-feuille symbolise le génie de la pâtisserie française dans le monde entier. Depuis quelques années, le mille-feuille traditionnel recule au profit d'interprétations plus originales et contemporaines.
Pour terminer, précisons que si on le voit souvent orthographiémillefeuille, la graphie correcte est bien mille-feuille (au pluriel : desmille-feuilles).

La Pâte feuilletée
La naissance de la pâte feuilletée a donné lieu à bien des légendes : on a écrit qu'elle avait été inventée par Claude Gelée dit Le Lorrain, le célèbre peintre du XVIIe siècle qui avait été pâtissier dans sa jeunesse. Certains croient qu'un certain Feuillet (!) qui vivait à la même époque l'aurait créé. D'autres enfin l'attribuent à l'entourage italien de Catherine de Médicis.
En réalité, on peut tracer l'origine de la pâte feuilletée jusqu'à l'Antiquité. Les Grecs qui, aujourd'hui encore, en font une grande utilisation, en sont les inventeurs. Cette façon de préparer la pâte en la travaillant intercalée avec des mottes de beurre qui, emprisonnées, la feront gonfler de manière étonnante à la cuisson, est ensuite passée à Rome puis revenue à Byzance (capitale de l'empire romain d'Orient à la fin de l'Antiquité) où un gâteau à base de pâte feuilletée et de crème au miel et au nard (valériane) préfigure déjà notre mille-feuille.
Les invasions arabes au cours du haut Moyen Âge ont permis de répandre la recette de cette pâte autour du bassin méditerranéen (pastilla marocaine, pâte à brik tunisienne) et en Europe : pastis gascon et feuilleté catalan. D'ailleurs, la première recette publiée de pâte feuilletée (citée par Maguelonne Toussaint-Samat dans sa Très belle et très exquise histoire des gâteaux) s'intitulait en effet Pastéz d'Espaigne Fueiltéz (in Ouverture de cuisine par Maître Lancelot de Casteau, publié en 1603). En Europe centrale occupée par les Arabes, elle a donné naissance au strudel.
C'est à la Renaissance que les pâtissiers italiens de Catherine de Médicis la remettent à la mode (la légende n'est donc pas complètement fausse) et qu'elle a été amplement utilisée depuis, sans plus jamais connaître de recul.
La pâte feuilletée est à la base de la plupart des viennoiseries, du mille-feuille, du puits d'amour, du pithiviers et de la galette des roisainsi que du vol-au-vent (ou bouchée à la reine) de Carême.

Le puit d’amour
La Saint-Valentin, je vais vous parler d'un dessert de circonstance, au passé aussi prestigieux que sulfureux : le puits d'amour.
On doit ce gâteau à Vincent La Chapelle, le grand chef du XVIIIe siècle qui était l'ennemi juré de François Massialot dont il pilla de nombreuses recettes (relire l'histoire de leur affrontement ici). Dans ce cas néanmoins, pas de polémique, on ne trouve pas de puits d'amour dans Le Cuisinier Royal et Bourgeois. C'est bien La Chapelle qui écrivait aussi bien en anglais qu'en français qui publia en 1733The Modern Cook et proposa une recette intitulée Well of Love (puits d'amour).
Il s'agissait d'une friandise en pâte feuilletée (sorte de bouchée à la reine), creusée et remplie de confiture de fruits rouges. Evidemment, ce puis d'amour en évoquait un autre (je ne vous fais pas de dessin) et ce dessert fit un énorme scandale, sauf dans les soupers intimes de Louis XV on s'en doute.
Plus tard, on remplaça la confiture par de la crème pâtissière caramélisée, ce qui lui ôta toute charge érotique et rendit ce petit gâteau plus acceptable... C'est encore la recette que suit Stohrer, le grand pâtissier historique de la rue Montorgueil à Paris même s'il donne sur son site une autre origine (plus acceptable) au puits d'amour : "Cette création fut réalisée à l'époque d'une célèbre opérette, ce qui lui valut ce nom de puis d'amour". Je suis curieux de savoir à quelle opérette

Le Paris Brest
Ce gâteau n'a pas été inventé par un pâtissier mais par un boulanger, un certain Durand (sans rapport avec moi !) en 1891. Il voyait passer devant sa boutique les cyclistes d'une course ancêtre du Tour de France, la Paris-Brest-Paris. D'où le nom...
La forme circulaire de la couronne en pâte à choux du paris-brest figurerait donc la roue d'un vélo ! Garnie d'amandes effilées, cette couronne est en suite évidée puis fourrée à l'origine de crème au beurre, aujourd'hui de crème mousseline. On replace la couronne et on saupoudre le tout de sucre glace.
--> la crème mousseline est un mélange de crème pâtissière et de crème au beurre. Ainsi, elle a plus de consistance qu'une simple crème pâtissière mais reste plus légère que la crème au beurre qui fait un peu peur aujourd'hui à ceux qui surveillent leur ligne !
La Paris-Brest-Paris a disparu depuis belle lurette mais le gâteau qui lui rend hommage se porte toujours bien, lui. Peut-être néanmoins qu'un peu de vélo après avoir mangé un paris-brest ne ferait de mal à personne !
le Grand Larousse gastronomique confirme bien l'invention du Paris-Brest en 1891 à Maisons-Laffitte mais l'attribue à un pâtissier nommé Bauget "dont la boutique se trouvait sur le parcours de la course cycliste entre Paris et Brest; en hommage à cette course, cet artisan imagina des éclairs circulaires évoquant des roues de bicyclette". Et effectivement, la maison Baugetexiste toujours.
Néanmoins, selon Wikipédia, la forme rectangulaire allongée mentionnée par mon commentateur internaute ne serait pas due aux locomotives de la ligne de chemin de fer Paris-Brest. Plus simplement, les pâtissiers prirent l'habitude de débiter les rayons de paris-brest en portions : "Ces portions ont également inspiré la création tardive de paris-brest de forme rectangulaire".

La religieuse
La religieuse date de 1855 environ. Elle a été inventée par Frascati, celèbre pâtissier-glacier parisien. Elle avait à l'époque une forme différente : un carré de pâte à choux fourré de crème pâtissière et surmonté de crème fouettée.
A la fin du siècle, elle avait pris la silhouette que nous lui connaissons : un gros chou fourré de crème pâtissière au chocolat (ou de crème chiboust) et surmonté d'un autre petit chou fourré. Le tout était glacé et décoré de volutes de crème au beurre. Sa forme régulière n'aurait pas été possible sans l'invention de la poche à douille quelques années auparavant.
Le saint-honoré qui doit son nom au saint patron des boulangers-pâtissiers a été inventé vers 1850 chez Chiboust et qui était la plus célèbre pâtisserie parisienne de l'époque. Il est l'oeuvre du jeune chef pâtissier de la maison, Auguste Jullien (fondateur d'une dynastie pâtissière de premier ordre), qui le conçut d'abord comme une grosse brioche fourrée de crème pâtissière.
Quand il fonda sa propre pâtisserie, il et l'idée d'utiliser un fond de pâte brisée (aujourd'hui en pâte feuilletée) et de dresser des boules de pâte à choux (moins spongieuse que la brioche donc moinsdétrempable) qu'il garnit de crème... chiboust : hier comme aujourd'hui, tout le monde piquait les recettes de tout le monde et Chiboust en fit de même en modifiant ensuite sa pâte briochée pour reprendre celle de... Jullien !). Les choux sont fixés par du caramel sur la base de pâte et le tout est glacé.

PETITS CHOUX, POUPELINS, PETS-DE-NONNE, CROQUEMBOUCHES, PROFITEROLES ET ECLAIRS
La pâte à choux doit sa spécificité au fait qu'on réhydrate (en ajoutant les oeufs un à un) une pâte préalablement desséchée (à base de farine passée au feu) au goût neutre et gonflant bien au four, support idéal pour des fourrages à la crème pâtissière ou au beurre.
On doit son invention à Popelini, le cuisinier de la reine Catherine de Médicis, au milieu du XVIe siècle. J'ai raconté dans un post sur la Renaissance ce que l'art de la pâtisserie doit à l'entourage de la veuve noire. Même si nombre d'historiens ont tendance aujourd'hui à minimiser cette influence italienne, le bon sens indique que ce fut pourtant bien le cas.
En tout cas, Popelini mit au point cette pâte dont il faisait déjà des petits choux pas très réguliers, qu'on appelait alors des poupelins. On les dressait à la cuillère sur une plaque allant au four et une fois cuits, on les fourrait de gelée de fruits.
Frit à l'huile, ces petits poupelins ont donné naissance aux pets-de-nonne.
Le mode de préparation de cette pâte lui a longtemps donné le nom de pâte à chaud, qui est devenu pâte à choux (ça ne doit donc rien à la forme de petits choux comme on le croit souvent) beaucoup plus tard. Au XVIIIe siècle, Avice en modifia légèrement la recette mais la vraie pâte à choux moderne fut inventée par - encore une fois - le grand Carème (qui avait fait son apprentissage chez Avice justement).
C'est lui qui eut l'idée de les fourrer de crème pâtissière ou de crème chantilly et d'en faire des croquembouches. A l'origine, les croque-en-bouche étaient des fruits passés dans un caramel chaud. Carême est aussi le créateur des profiteroles.

L Eclair
L'éclair apparaît vers 1850 à Lyon, c'est la plus ancienne mention que j'ai pu trouver dans mes livres d'histoire. Mais on ne sait pas qui l'a inventé. Fin de l'histoire ?
Non, bien sûr. Car, à bien y réfléchir, qu'est-ce qu'un éclair ? Il s'agit d'un appareil en pâte à choux façonné en forme de doigt, fourré de crème pâtissière (parfumée à la vanille, au chocolat ou au café dans les recettes classiques) et recouvert d'un glaçage au fondant.
--> Et pour être exhaustif, la pâte à frire ou à cuire au four est connue depuis le Moyen Âge, la crème pâtissière a été inventée par François Massialot en 1691 et le fondant par Gillet de la maison Lemoine en 1824.
Or, le grand spécialiste de la pâte à choux au XIXe siècle, c'estAntonin Carême (1783-1833), le plus grand nom sans doute de l'histoire de la pâtisserie. Il la porte à la perfection et s'en sert pour mettre au point de nombreuses inventions : les croquembouches (noschoux modernes), les profiteroles et modernise les duchesses.
Or, qu'est-ce que c'était que ces duchesses ? Un gâteau du XVIIIe siècle en pâte à choux étirée en forme de doigt et roulée dans des amandes. Carême supprime les amandes, fourre la pâte "de marmelade d'abricots ou de crème pâtissière au chocolat ou au café" (on y est !) et la glace au sucre fondant. Même si ce dessert ne porte pas encore le nom d'éclair (ce qui n'arrivera que 20 ans après la mort du grand Carême), on y est indubitablement. Avec sa duchesse, Carême peut prétendre au titre d'inventeur de l'éclair.
A ce propos, on ignore aussi d'où vient justement ce nom d'éclair. Nombre d'historiens penchent pour une plaisanterie de pâtissier (qui sont gens de bonne compagnie, c'est bien connu): "ce gâteau est si bon qu'il se mange en un éclair". D'autres évoquent son glaçage, si brillant qu'il évoque la lumière de l'éclair, d'autres enfin parlent de sa forme (qui évoque pourtant plus celle d'un doigt que d'un éclair !). Bref, on n'en sait rien...
A l'étranger, ce gâteau a conservé son nom original ("do you want an éclair?") est est un des symboles reconnus de la pâtisserie hexagonale, au même titre que le millefeuille (qui s'appelle lui unNapoleon... en anglais) grâce au fils de la Reine Victoria, le Prince de Galles. Le futur Edouard VII en était en effet un grand amateur (ainsi que de bien d'autres plaisirs parisiens...).
Aujourd'hui, on va bien au delà des traditionnels éclairs au chocolat, au café ou à la vanille de nos grands-mères : éclairs au chocolat blanc et au thé matcha, éclairs à la truffe etc. : la créativité pâtissière n'a pas de limites ! Et un bon éclair se dévore toujours en un éclair !

Le Gateaux de savoie
Mais au fait, Gâteau de Savoie ou Biscuit de Savoie comme le dit précisément ma grand-mère (et avec elle, beaucoup de monde dont moi) ? En fait, techniquement, comme il n'y a pas de double cuisson, le terme biscuit est en l'occurrence inapproprié. D'ailleurs, dans sa recette, François Massialot (prochain post) l'appelle correctementgâteau. Le terme biscuit de Savoie est apparu assez récemment.
--> Selon l'historienne Maguelonne Toussaint-Samat, peut-être par confusion avec les biscuitsde voyage des soldats et des marins : comme eux le Savoie se conservait longtemps... J'avoue que cette explication ne me convainc pas, d'autant que les termes biscuit (un gros gâteau) et les biscuits (de petits gâteaux en portions individuelles) ont depuis longtemps une signification différente.
Le gâteau de Savoie est un des premiers gâteaux au sens moderne. Par chance, on connaît assez bien les circonstances de sa naissance. Il fut inventé en 1358 à Chambéry où le comte de Savoie Amédée VI recevait à sa table son suzerain (la Savoie n'était pas encore française) Charles IV de Luxembourg.
Amédée demanda à son pâtissier de concevoir un gâteau léger comme une plume, susceptible de plaire à l'empereur. Selon certains, le nom de ce maître-queux était Pierre de Yenne (Yenne près du lac du Bourget étant le nom de la ville qui est toujours considérée comme le berceau de cette recette).
Pierre eut le premier l'idée de battre longuement jaunes d'oeufs et sucre jusqu'à les faire blanchir et d'alléger encore la préparation en y incorporant les blancs en neige et la farine. Comme il était plus compliqué qu'aujourd'hui de faire cuire à four doux (faute de thermostat), il mit sa préparation dans un plat en bois. Mauvais conducteur de chaleur, le bois permettait une cuisson plus douce, donnant à la pâte le temps d'acquérir sa proverbiale légèreté.
Le gâteau de Savoir était né. Pour la petite histoire, cela ne suffit pas à amadouer Charles IV qui était mécontent de son vassal. Même si le grand Carême prétendra plus tard le contraire, la pâtisserie ne peut pas tout en matière de diplomatie !
La recette s'est affinée avec le temps grâce à Massialot au XVIIe siècle et Menon au XVIIIe, acquérant au passage, parfums (zeste de citron vert, cannelle, fleur d'oranger etc.) et sucre glace en même temps que le Savoie devenait un gâteau idéal pour accompagner le thé.
A NOTER Le nom anglais du Savoie est Sponge Cake, le gâteau éponge. Quelle triste et obtuse façon de le décrire !

Les patisserie de la Chandeleur
A la Chandeleur, l'hiver se meurt ou prend vigueur... Mais la Chandeleur n'est pas seulement le temps le temps des dictons ou de la présentation de l'enfant Jésus au Temple (d'où le terme de procession aux chandelles qui a donné celui de... Chandeleur), c'est aussi le temps des crêpes et des beignets.
Ces deux desserts sont parmi les plus anciens dont les recettes nous soient parvenues. Dans sa version galette (au sarrasin et sans oeuf), la crêpe est même tout simplement l'un des premiers aliments humains (relire mon post sur l'invention de la pâtisserie au néolithique).
On les proposait déjà au Moyen Âge et - comme pour les gâteaux de l'Epiphanie (relire mon post sur l'histoire de la galette) - il existait alors deux France : celle du nord, de la langue d'oïl, du beurre et des crêpes; et celle du sud, de la langue d'oc, de l'huile et des beignets.
D'autres variations régionales existent autour de la Chandeleur : les navettes en Provence, les oreillettes à Nice et les gaufres un peu partout. Leur point commun avec les crêpes et les beignets ? Il s'agit à la base de la même pâte (avec ou sans oeufs, avec ou sans repos suivant le type de farine utilisé etc. mais la base reste la même).

Le Gateau nantais
A la même époque où Nicolas Stohrer inventait le baba au rhum pour le grand-duc Stanislas (cf. mon post sur l'histoire de ce gâteau), les quais de la ville de Nantes accueillaient les cargaisons des bateaux de retour des Antilles : sucre de canne, vanille et rhum ambré bien sûr. Nul doute que la fière cité des marches de Bretagne en ait profité pour inventer ainsi sa propre recette de gâteau au rhum. Moins imbibé que le baba, il est aussi - à mon goût - plus délicat grâce à la pâte d'amande qui vient adoucir la génoise.
Gâteau régional, voire régionaliste, il avait un peu sombré dans l'oubli jusqu'à sa relance par la biscuiterie LU au début du XXe siècle. Depuis, les pâtissiers de la ville de Nantes ont eu à coeur de proposer leur version, forcément plus artisanale.

La Madeleine
Comme pour bon nombre de gâteaux, la naissance de la madeleine (ou des madeleines, puisqu'on en mange souvent plus d'une à la fois !) se perd un peu dans la légende. Notons en tout cas qu'on situe toujours son apparition à Commercy, en Lorraine, et que toutes les cuisinières qui l'ont inventée (car c'est une invention féminine) ont prétention à s'être appelées... Madeleine.
Des le Moyen Age, on aurait fabriqué de petites brioches moulées dans des coquilles Saint-Jacques et destinées à nourrir les pèlerins en chemin vers Compostelle. D'où leur forme bien caractéristique.
Au XVIIe siècle, Paul de Gondi, cardinal de Retz, oncle de Madame de Sévigné, et fieffé frondeur avait été exilé dans ses terres de Commercy. En 1661, sa cuisinière (Madeleine Simonin) eut l'idée de modifier une pâte à beignets pour en faire une nouvelle gourmandise qu'aurait apprécié la duchesse de Longueville (amie du cardinal et elle-même sacrée frondeuse !). C'est cette dernière qui fit connaître ce qu'on n'appela plus bientôt que les madeleines de Commercy.
Un siècle plus tard, un autre exilé célèbre Stanislas Leszczynski (ex roi de Pologne, père de la reine Marie, beau-père de Louis XV qui lui offrit le duché de Lorraine pour tromper son ennui. Eh oui, on était généreux comme ça chez les rois de France !) ne se contenta pas de faire connaître le kouglof et le baba au rhum (relire mon post ici). Il était également fou des madeleines de Commercy qu'il relança à la cour.
Selon d'autres sources, c'est même l'une de ses cuisinières (prénommée Madeleine bien sûr) qui eut l'idée de lui proposer cette pâtisserie oubliée mais rapidement faite un soir où il réclamait un dessert immédiat. D'autres historiens attribuent leur invention à un des cuisiniers de Talleyrand (mais pas Carême*) qui leur aurait donné le prénom de sa bonne amie (ben, tiens !). Alexandre Dumas enfin, fin gastronome et historien de la cuisine (ou l'un de ses nègres, qui sait ?) prétendait qu'il s'agissait de la cuisinière (Madeleine Paumier) d'une baronne. Bref, si vous avez une arrière-grand-mère qui s'appelait Madeleine, rien ne nous empêche de prétendre que c'est elle qui leur a donné son prénom...
Ce qui est certain, c'est que ce n'est qu'au milieu du XIXe siècle que la recette se stabilise pour devenir celle qu'on connaît aujourd'hui et que les madeleines doivent leur plus grande célébrité, non à la cuisinière qui les aurait inventées, mais à un écrivain du début du XXe qui leur a donné une notoriété mondiale et définitive : Marcel Proust.
Symbole d'une cuisine bourgeoise plus roborative que sophistiquée, les madeleines étaient en perte de vitesse dans la seconde moitié du XXe siècle. Depuis le début des années 90, elles semblent avoir été redécouvertes par les jeunes chefs en vogue. On dit même que Christophe Adam, le génial jeune chef pâtissier, veut faire des madeleines pour Fauchon ce que les macarons sont à Ladurée : la nouvelle petite gourmandise chic et tendance.
selon Le Grand Larousse Gastronomique, la personne en question qui aurait modernisé la madeleine à l'époque de Tallyrand est Avice, le maître pâtissier chez qui Antonin Carême a fait son apprentissage.

Histoire des fèves des galettes des rois
La fève a de tous temps été une légumineuse presque sacrée et sensée procurer la fertilité (sa forme rappellerait celle de l'embryon. Dotée d'un très long pouvoir de conservation, elle se gardait en outre des mois (voire des années) dans des bocaux et pouvait constituer au Moyen Age un cadeau de mariage très apprécié (o tempora... essayez donc d'en offrir aujourd'hui !).
Il était donc naturel que de fourrer un gâteau quasi religieux comme la galette (pour célébrer les offrandes de l'Epiphanie et le retour de la lumière) d'une fève, légume sec (mort) mais contenant en germe le légume à venir...
Ce n'est que dans le dernier quart du XIXe siècle que les pâtissiers eurent l'idée de remplacer la fève organique par une fève deporcelaine évoquant la forme d'un petit Jésus emmailloté, ce qui devait bien plaire dans les maisons bourgeoises. Plus tard, les formes ont varié jusqu'à perdre toute connotation religieuse.
Ainsi est née la passion pour la collection de fèves qui agite nos grands-mères (car je ne connais personne de mon âge qui collectionne les fèves. Et vous ?). Pour info, on appelle cela la favophilie (ou fabophilie).

La Galette des rois
L'Epiphanie est peut-être une tradition chrétienne mais fêter le retour de la lumière (les jours rallongent et recommencent à l'emporter sur les nuits) remonte aux origines païennes de toutes les civilisations. Retracer l'histoire des gourmandises qui s'y rattachent serait donc trop long. D'autant que je ne suis pas sûr que parmi les présents des rois mages ait figurée une galette... ;-)
De même qu'il existait au Moyen Age "deux France" - celle de la langue d'oc au sud et celle de la langue d'oïl au nord - il existait deux sortes de gâteaux des rois qu'on mangeait à l'occasion de l'Epiphanie.
Les méridionaux dégustaient (et dégustent toujours) une brioche parfumée de zestes de citron, fourrée de fruits confits dont le nom varie suivant les régions. Par chez moi (entre Toulouse et Montauban), on la nomme Coque des rois.
Plus au nord, on déguste dès le XVe siècle un dessert de pâte sablée fourré de crème d'amandes qui devient plus tard une pâte levée à la levure de bière nommée gorenflot.
La galette proprement dite (pâte feuilletée + crème frangipane) apparaît au XVIIe siècle et l'on dit que Anne d'Autriche et son jeune fils Louis XIV en partagèrent une la veille de l'Epiphanie de 1650 (avant de s'enfuir du Louvre dans la nuit glacée et de quitter la capitale afin d'échapper aux pressions des Parisiens et des nobles en révolte, marquant ainsi le début de la Fronde. Le lendemain, "il n'y avait plus dans Paris de roi que celui de la fève" car dès cette époque, on associait les rois mages (de l'Epiphanie) au fait d'être soi-même couronnée roi d'un jour (on n'est pas loin de l'esprit transgressif du Carnaval).
Pendant la Révolution, trop connotée politiquement, la galette des rois fut remplacée un temps par la galette de l'égalité !
Malgré leurs différences, on note des similitudes entre la galette et la coque : ce sont toujours des gâteaux ronds et dorés qui évoquent le disque solaire.
Aujourd'hui encore, il est de bon ton quand on partage la galette, de respecter la tradition :
- la première part est mise de côté pour les indigents (c'est la part du pauvre ou de la Vierge)
- le plus jeune de la famille se met sous la table et attribue les différentes parts selon son bon vouloir
- enfin, celui qui trouve la fève se doit, non pas comme on le croit souvent d'acheter une autre galette, mais d'offrir un coup à boire à toute l'assemblée.

Le Baba
Le baba au rhum est un de ces gâteaux bénits dont on connaît parfaitement les conditions de la naissance.
Ce gâteau a été inventé par Nicolas Stohrer, pâtissier de la reine Marie Leszcynska (épouse de Louis XV) et fille de Stanislas de Pologne. C'est pour ce dernier que Stohrer l'avait inventé quelques années plus tôt. Le roi (qui vivait en exil) avait reçu de son pays une brioche malheureusement desséchée dans le voyage. Le génial pâtissier eut l'idée de la rafraîchir en l'arrosant de vin de malaga (d'autres assurent que c'était de la vodka) et en la fourrant de crème pâtissieère et de raisins secs. Ce n'est que bien plus tard qu'on remplaça le vin par du rhum et qu'on remplaça la crème par de la chantilly.
Stanislas, qui venait de lire les Contes des Mille et Une Nuits dans la traduction nouvelle de Galland, surnomma ce gâteau, le Ali Baba (plus tard, simplement baba).
En 1730, Nicolas Stohrer quitta Versailles pour installer sa pâtisserie à Paris, rue Montorgueil où elle se trouve toujours et où ses babas (aussi bien le baba au rhum que le ali baba original) sont les plus appréciés de Paris. Cette boutique, véritable institution, a même reçu la visite de la Reine d'Angleterre il y a quelques années.
Le baba au rhum a été très en vogue au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe. Il est actuellement un gâteau un peu en déclin, car très symbolique d'une certaine cuisine bourgeoise datée.


Le macatia

Le macatia (qui viendrait du swahili m'kate qui veut dire pain) fut le pain... des esclaves. Il consistait à se débarrasser en quelque sorte de la pate de la veille, à l'époque, des pâtes au levain bien entendu.
Ce levain était impossible a panifier tel quel, eh oui, pas de frigo à cette époque et à la Réunion... il fait chaud ! la solution fut, puisque l'ile en produisait, de rajouter du sucre pour faire passer la pilule ! et voila le macatia créé...
Et surprise ! il se trouve que ce n'était pas si mauvais que cela !
de pain d'esclave, cela allait devenir le petit pain des gouters creoles !
La "recette" fut donc adaptée pour adoucir ce petit pain et le proposer à la consommation, la proportion de pate fermentée fut ramenée à 50% du poids en farine d'une pate à pain "normale", la quantité de sucre fut conservée, environ 1/4 de la quantité de farine de la pate a pain.
Aujourd'hui malheureusement, la plupart des boulangers de la Réunion proposent en fait de macatias, de simples brioches rondes fourrées le plus souvent de pépites de chocolat.

Re: Histoire et Légende des Origines des Pâtisserie

Posté : mercredi 12 janv. 2011, 11:45
par tmartin
En vitesse, l'histoire de la ville de Sablé n'est-ce pas de la récupération ? (*) une pâte sablée a la consistance du sable et est d'origine normande, c'est ce qu'on trouve sur toutes les définitions.
millefeuille : même l'académie française, entre autre dictionnaire (Larousse, Robert, Hachette...), l'orthographie ainsi, sans trait d'union (on a de la chance qu'ils se soient penchés dessus, ils vont tellement vite qu'ils en sont encore à "p"), Littré fait de la résistance mais défini surtout la plante, et la, ça ne va plus, puisque cela vient du latin millefolium ou du vieux français milfoil... en un seul mot. La forme à trait d'union ne serait pas considéré comme une faute cependant.
Pour la pâtisserie, c'est d'ailleurs deuxmillefeuilles qu'on devrait dire, puisque trois couches de pâte feuilletée à 6 tours simples = (3^6+1)*3=730*3=2190 feuilles
:-))

En tout cas, merci pour ce lexique etymologique parsemé d'histoires savoureuses, tout comme les pâtisseries qu'il décrit, et vraies ou fausses, après tout qu'importe...


(*) j'ai très bien connu Jean-Pierre Tirefesse, l'inventeur des remontées mécaniques...

Re: Histoire et Légende des Origines des Pâtisserie

Posté : mercredi 12 janv. 2011, 12:03
par Jacky78
Je pense en faite que certaine ville ayant une étymologie commune avec certaine spécialité n'hésite pas à prendre possession de certaine origine pour se faire mousser :-)

Et que dans le fond bien des choses connues viennent de gens simple qui avait dans leur tiroir de vieille recette de famille :Cool