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Histoire de l'amélioration et de l'améliorant (1)

Posté : dimanche 17 juil. 2011, 20:47
par Marc
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Sans chercher à s’opposer à l’amélioration du pain, il est intéressant pour celle-ci de ne pas se résumer à l’apport de produits dits «améliorants» ou «adjuvants».
D'autre part déclarer ces derniers de poudre de perlin-pin-pin sans plus, risque à raison que cette attitude soit d’être traité d’humeur, de réflexe ou d’attitude primaire. Il faut se poser la question correctement ; quels sont ces produits améliorants ?
Pourquoi et comment ont-ils pris parfois tant d’importance dans la production conventionnelle ?
C’est ce que B.N. va tenter d’expliquer sous forme de feuilleton de l’été en faisant dans un premier temps une lecture critique de ce que le lobby des firmes d’adjuvants de panification 1 appelaient dans les années 1980 ; le livre blanc de l’améliorant qui portait le titre «Le pain ? Pas de problème ?» 2
Les Chiffres en rouge renvoient à une note que vous pouvez découvrir dans le spoiler en dessous du texte.


1. CRITIQUE HISTORIQUE DE L’AMELIORATION EN PANIFICATION
En guise d’introduction de cette plaquette, l’on signale que l’on a toujours voulu améliorer le pain et que les premiers améliorants ont été le sel et la levure.

1.1. LE SEL COMME AMELIORANT DANS L’HISTOIRE DE LA PÂTE
C’est exact en partie, le sel n’est entré en panification que vers le XVIIème siècle en France.
Olivier De Serres, en 1600 et d’autres avant lui, signalent, que seul le pain blanc mollet (un pain blanc de luxe à l’époque) est salé 3.
A cette époque, il faut le dire, on employait des farines souvent plus complètes, et l’on panifiait au levain.
Deux caractéristiques qui, l’une apporte plus de sels minéraux (avec une farine complète, jusqu’à 50% de sels minéraux en plus qu’une farine blanche), et l’autre une saveur plus prononcée.
Au XVIIIème siècle apparaissent les premiers traités professionnels et lorsqu’ils citent l’emploi du sel, ils en parlent plus comme un conseil et non comme un besoin 4.
Il faut dire aussi, qu’autrefois, la teneur du sel dans la pâte à pain variait beaucoup suivant que l’on se trouvait en pays de bord de mer ou en pays de mine de sel où le pain est déjà salé depuis longtemps 5.
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Les régions côtières qui avaient non seulement les salines avaient parfois la permission d’utiliser l’eau de mer pour salé le pain 6.
Signalons pour finir avec le sel que le prix fortement taxé (la gabelle) a évidemment régi l’introduction du sel dans la pâte 7.

1.2. LA LEVURE COMME AMELIORANT DANS L’HISTOIRE DE LA PÂTE
Pour la levure, il faudra attendre sa commercialisation par l’industrie (fin du XXème siècle), pour voir son emploi se généraliser. Avant cela, les lies de brasserie 8 puis de distillerie avaient servit à supplémenter les levains puis à les suppléer dans les pays de bière. L’emploi de la levure de bière connaîtra des fortunes diverses 9, surtout en été où la levure de bière se conservent mal 10.
De plus c’est de nouveau pour des pains blancs que l’on a commencé pratiquer de la sorte 11

1.3. L’HISTOIRE DES AMELIORANTS DE PANIFICATION EST PLUS RECENTE
Pour connaître l’histoire des améliorants de panification et non de l’amélioration du pain, il nous faut aller lire l’historique des entreprises proposant ces ingrédients. Les firmes qui se disent pionnières sont apparues sur la scène économique principalement dans l’entre-deux guerres.
Zeelandia, comme son nom l’indique, à débuter en Zélande, province néerlandaise, chez H.J.Doeleman, boulanger de Zierikezee. C’est dès 1900 que commence l’activité de la firme où par l’action d’une machine encore mue grâce à la vapeur à l’époque, on fabrique de la gelée pour biscotte 12
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La biscotte hollandaise était souvent ronde et fort friable
Produit aux composants qui étonnent aujourd’hui, mais dans le contexte de l’époque n’était pas curieux 13
Ce premier produit adjuvant permettait à un produit spécifique, la biscotte hollandaise, de donner à celle-ci, une mie bien développée et une friabilité caractéristique. Après, dans la firme des Pays_Bas, viendront les «crêmes à pain» et en 1935 «Zéa», le premier véritable améliorant pour pain aux dires de la firme qui commercialise actuellement dans 60 pays.
L’autre firme pionnière en améliorant de panification est belge. Puratos débuta en 1918 et lança assez vite le premier pain de marque le Pura-Malté en 1923 14. Leur produit phare, l’améliorant de panification le T 500, débuta en 1953, il deviendra S 500 (version poudre) en 1975. Une diversification d’activité est enclenchée dans les années 1980 (production de margarine, chocolat, enzymes, levains séchés). L’entreprise est présente dans plus de 100 pays grâce à ses filiales et partenaires.
Une autre firme dont nous ferons l’historique en abrégé, nous permet de voir l’évolution dite en inévitables restructurations, c’est Diapharm qui deviendra Diafarm. Crée en 1946 par un hollandais installé en Belgique, elle traitait au début des extraits de malt et aussi des produits pharmaceutiques, d’où sa première dénomination. Elle lança en 1958, le pain «Expo». Fut rachetée en 1969 par la compagnie laitière Friesland (NL) qui trouva ainsi un débouché direct pour ses excédents laitiers à travers la commercialisation de poudres (mixes) pour crêmes, cakes, glaces, etc… La coopérative Friesland fusionnera avec l’autre grande coopérative néerlandaise Campina en 2008 et on perd la trace de Diafarm.
Unilever (par ses filiales Debco, Catherine) cédera ses activités européennes de boulangerie au groupe hollandais CSM 15 en 2000 16, Gist-Brocades devenu D.S.M. ingrédients 17 en 1998, Vandemoortele et son segment Vamix 18 débutant en 1978, vont s’installer sur ce marché très lucratif des améliorants en Belgique dans les années qui vont de 1960 aux années 1980 19
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L'usine d'améliorants deviendra vite trop petite
Dans ces années 1980, les grandes meuneries proposeront des mélanges ; farine + améliorants (= mixes où farine prêt à l’emploi) afin d’innover aussi dans leur gammes de produits. Ce qui ne manquera de créer des différents entre secteurs d’activités (Fabricants d’adjuvants et Meunerie) 20
Quelques exemples sur le marché belge ; Le pain Panda créé par Zeelandia en 1989, la Tartine Schtroumpf (Puratos en 1985), le pain Linéa (Meunerie CERES en 1987), le pain 6 céréales (Moulin de Deinze en 1988), le pain Diafit (Diafarm en 1989), le pain Breughel (Debco en 1986).
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Tableau de Marc Dethier illustrant l'article
"Quand vous mangiez du pain Panda, la nature vous ouvrait-elle les bras ?"
Publié dans les miettes de la bio n°1, 1993
En France la SAM (Société Auxiliaire de Meunerie) de Charenton-le-Pont près de Paris proposait principalement de la farine de fève, elle cessera ses activités dans les années 1990.
Un ingrédient naturel cette farine de fève, qui ne manquera de manifester cet aspect naturel lors du lancement par la confédération du pain de tradition en 1993, puisque malgré le côté adjuvant et modificateur de tenue de pâte, elle ne peut pas être répertoriée additif. Elle est ainsi autorisée dans la panification de tradition française.

1.4. DE LA GELÉE POUR BISCOTTE À LA «NATURALITÉ» DES ENZYMES.
Si dans le début du XXème siècle, c’est la chimie qui est source d’innovation, un siècle après, la donne change.
Le décret «pain de tradition» de 1993 va exclure les additifs sous l'appellation "tradition française".
L’écartement de plus en plus prononcé par les consommateurs de ces codes européen (E...) plus trois chiffres sur l’étiquette va ouvrir des potentialités aux possibilités de remplacement par des produits plus naturels.
Levure désactivée, poudre de levain et surtout enzymes vont provoquer cette migration vers la «naturalité».

Les enzymes sont produits par des firmes spécialisées dans ce secteur biotechnologique ; Novozymes, Danisco qui vit en 2011 une OPA (6,3 Billions de dollards) de Dupont de Menours et une composante de l"Association British Food ; AB Enzymes (qui acquit Röhm en 1999, entreprise située en Allemagne et précurseur en pentosanases) .
Les firmes déjà présente sur le secteur boulanger, comme DSM, Lesaffre, Puratos prolongent leur développement biotechnologique vers ce type de production.
Le groupe meunier Soufflet par sa filiale AIT, devient producteur également
Alors que d’autres entreprises meunières ou productrices d’ingrédients ou mixes se spécialisent dans la formulation (composition de cocktail enzymatique propre à la récolte de l’année et aux demandes spécifiques d’entreprises).
Citons dans les formulateurs ; LCI (abrégé de Limagrain Céréales Ingrédients) filiale de Limagrain qui propose par ses marques, Dafa, Westhove et Sofalia, des préparations enzymatiques, des améliorants, des correcteurs ou encore de mixes et prémixes boulangers, Böcker (qui distribue les produits de Mühlenchemie en France), Axiane (qui regroupe Banette, Lemaire, Treblec et Francine), Komplet, (filiale de Abel & Schäfer meunier allemand qui se dit précuseur dans la commercialisation de mixes), France Farine Sofria, (farines composées), GEMEF avec sa filiale CFIA (présent sur le continent africain) qui propose son expertise en farines panifiables, les Grands Moulins de Paris du groupe Nutrixo qui propose améliorants et mixes, tout comme la firme Ireks qui démarre chez un boulanger-brasseur bavarois (Johann Peter Ruckdeschel) dès l’exploitation d’une malterie en 1856, et la firme du département de l’Ain, Philibert qui propose principalement des interventions sous forme de mixes et prémixes.

Une différence toutefois, l’ajout se réalise inclus dans la farine et non plus en ajout de composition poudreuse ou pâteuse auprès des artisans ne pouvant bénéficier des lourds frais de formulation spécifique. Cette absence de choix d’ajout risque de standardiser un secteur artisanal pourtant plus propice à la diversité qu’à l’uniformisation et devient encore plus occulte au niveau des possibilités d’analyse de savoir-faire boulanger.


Notes,approfondissements et bibliographie en ouvrant le spoiler ou en cliquant sur les nombreux liens présents dans le texte.
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A Suivre, deuxième épisode; les ingrédients des améliorants de panification


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